Gazette de l'infectiologie: Fêtes de fin d’année : gare aux infections !
Fêtes de fin d'année : gare aux infections !
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Troubles gastro-intestinaux : plusieurs suspects
Les troubles gastro-intestinaux, tels les diarrhées et les vomissements, sont parfois les invités indésirables des repas de fête. Première catégorie de suspects : les virus – les norovirus et rotavirus étant responsables de la plupart des gastro-entérites chez l'adulte et l'enfant. Ils se transmettent d'une personne à l'autre par des mains souillées, soit par contact direct, soit en contaminant des surfaces, de l'eau ou des aliments. Cependant, la nourriture peut aussi être contaminée par d'autres micro-organismes. Deuxième catégorie de suspects : les bactéries. « Les principales sont les salmonelles et les Campylobacter. On trouve aussi certains Escherichia coli », précise Jean-Pierre Bru, infectiologue clinicien au Centre hospitalier Annecy Genevois. Les parasites et les champignons sont plus rarement impliqués, mais pas à exclure.Après avoir consommé le même aliment, si deux personnes ou plus sont touchées par des symptômes gastro-intestinaux, on parle alors de toxi-infection alimentaire collective (TIAC). 40 % ont lieu au restaurant et 30 % lors des repas de famille, ce qui explique le pic observé lors des fêtes de fin d'année. Les aliments à surveiller sont avant tout d'origine animale : la viande, notamment le poulet ; la charcuterie ; les oeufs ; les produits laitiers, en particulier les fromages à pâte crue ; et les fruits de mer, surtout les huîtres. Mais les légumes peuvent aussi être porteurs d'agents pathogènes. Pour se prémunir contre ces infections d'origine alimentaire, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) émet plusieurs recommandations : éviter certains aliments pour les personnes avec un profil à risque (femmes enceintes, tout-petits, personnes âgées ou immunodéprimées) ; se laver régulièrement les mains, quand on cuisine et avant de passer à table ; respecter la chaîne du froid et les dates limites de consommation ; cuire les viandes à coeur ; bien laver ou éplucher les légumes. Et si un aliment sent trop mauvais : on ne le consomme pas !
La majorité de ces infections sont bénignes et guérissent spontanément au bout de quelques jours. « Il est important de bien s'hydrater ; on peut boire des bouillons plutôt salés. Côté alimentation, privilégiez les céréales (riz, etc.) et évitez les légumes, qui peuvent augmenter la production digestive », conseille le Dr Bru. En revanche, certains critères doivent alerter, surtout chez les personnes avec un profil à risque : « plus de six selles par jour, plus de sept jours d'affilée, des signes de déshydratation, une fièvre importante, une altération de l'état général ou des signes neurologiques, en particulier chez les enfants ». Dans ces cas-là, consultez rapidement un médecin, et informez-le si d'autres personnes sont touchées. Il déclarera alors la TIAC à l'Agence régionale de santé (ARS), qui enquêtera sur l'origine de la contamination. Côté traitement, « les antibiotiques restent l'exception et non la règle », précise l'infectiologue, pour qui il faut d'abord prescrire, en cas de gravité, un test PCR afin d'identifier l'agent pathogène.
Infections respiratoires : pensez à la vaccination
Autre invité-surprise des fêtes de fin d'année : les infections respiratoires, en particulier « le COVID-19, la grippe et le VRS (virus respiratoire syncytial), responsable de la bronchiolite chez l'enfant, mais aussi d'infections respiratoires chez l'adulte », précise le Dr Liem Binh Luong, maître de conférence et infectiologue à l'hôpital Cochin, à Paris. Ici encore, les risques de développer des formes graves concernent en premier lieu les personnes fragiles (âgées et avec des co-morbidités).En France, les réunions familiales aux alentours de Noël sont une tradition bien ancrée. « II y a donc des circulations intergénérationnelles. Exemple typique : le tout-petit, contaminé à la crèche, contamine à son tour le grand-parent qui, lui, voit beaucoup moins de monde le reste de l'année ». Les festivités du Nouvel An sont aussi l'occasion de grands rassemblements. Que ce soit en famille, en soirée ou lors d'un spectacle, « on passe de longs moments, voire des journées entières, tous ensemble dans des lieux clos, souvent chauds et humides ». À ce cadre particulièrement propice à la circulation des virus s'ajoute la saisonnalité hivernale de la grippe et du VRS.
Comment les éviter ? « La première prévention, c'est la vaccination : contre la grippe et le COVID-19 pour les personnes à risque et, pour les femmes enceintes, contre le VRS à partir du 2e trimestre. J'insiste aussi sur le lavage de main, car les virus respiratoires sont également manuportés », ajoute le Dr Luong. En cas de symptômes, comme de la fièvre ou de la toux, pensez à vous faire dépister avant de rejoindre vos proches.
Contre les IST, protection et dépistage
Autre point à ne pas négliger : les infections sexuellement transmissibles (IST). S'il n'existe pas de données chiffrées spécifiques aux deux semaines de fêtes, le Pr Charles Cazanave, infectiologue spécialisé en IST au centre hospitalo-universitaire de Bordeaux, précise : « des consommations plus excessives d'alcool ou d'autres substances sont associées à un surrisque d'IST de façon générale. Il existe en particulier une corrélation avec la prise de drogue pendant les rapports sexuels, appelée chemsex ».
La prévention repose toujours sur l'utilisation des préservatifs, masculin ou féminin. Leur accès est désormais facilité, notamment pour les pour les moins de 26 ans, qui peuvent les obtenir en pharmacie, gratuitement et sans ordonnance. Le dépistage est lui aussi crucial, insiste l'infectiologue : « le nouveau dispositif « Mon test IST » permet l'accès sans ordonnance au dépistage du VIH, de l'hépatite B, de la syphilis, du chlamydia et du gonocoque. Il ne faut pas hésiter à y recourir après une période de risque. » Ce test, réalisable à domicile ou en laboratoire, est également gratuit pour les moins de 26 ans. Troisième pilier de la prévention : la vaccination contre le papillomavirus (HPV) – jusqu'à 26 ans chez les hommes et les femmes – et contre l'hépatite B.
Concernant le VIH, le Pr Cazanave rappelle « l'existence de la PrEP (Prévention pré-exposition). Et en cas de rupture de préservatif ou de rapport non protégé, un traitement post-exposition (TPE) existe, à débuter dans les 48 heures. Il est disponible aux urgences ou dans un Centre gratuit d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) ». Les CeGIDD garantissant la confidentialité et l'anonymat, et vous pouvez aussi y être dépisté ou traité pour toute IST si vous ne souhaitez pas passer par votre médecin traitant. Enfin, « les infections d'origine bactérienne (syphilis, gonocoque, chlamydia) se traitent efficacement par des antibiotiques adaptés » conclut l'infectiologue.
Pour profiter pleinement des moments de relâchement qu'offrent souvent les fêtes de fin d'année, mieux vaut donc prendre ses dispositions en amont, afin de se protéger et de protéger ses proches.
Un grand merci aux docteurs Jean-Pierre BRU et Liem Binh LUONG, ainsi qu'au Pr Charles CAZANAVE pour leurs témoignages.
Ce reportage vous a été proposé par la Société
de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF).
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